2 – LECTURE
(Lecture à haute voix des chapitres ajoutée le 12/12/2015)
(Lecture à haute voix des chapitres ajoutée le 12/12/2015)
De
3 chapitres, par Anja Stockmeyer, 20/10/15
a)
Le Grand Cahier, Agota Kristof,
Éditions du Seuil, 1986
b)
L’école,
le 10e chapitre du livre, est un des rares moments où le lecteur
apprend quelque chose du passé et des parents des jumeaux. Ainsi il en apprend
un peu plus sur l’âge des ceux-ci : ils ont été scolarisés il y a trois
ans. Et il comprend pourquoi ils ne vont plus à l’école. En plus, ce chapitre
met aussi en valeur le caractère précoce et inséparable des deux frères.
L’achat du papier, du cahier
et des crayons, le 11e chapitre du livre, témoigne
de la hardiesse des jumeaux et de comment ils se procurent les instruments de
leur éducation sans pouvoir et devoir les payer.
Nos études,
le 12e chapitre du livre, est le moment crucial pour comprendre que
ce que nous lisons est, en effet, le Grand Cahier, la collection de rédactions
écrites par les jumeaux dans le cadre de leurs études menées à la place
d’école. Nous comprenons aussi mieux quelques questions formelles du livre. Le
fait qu’ils sont en manque de papier explique la brièveté des chapitres qui ne
sont jamais plus longs que trois pages. Le but déclaré des jumeaux de décrire
la vérité objective explique leur style sec, jamais émotionnel, même face à des
expériences affreuses.
c) L’école rapporte l’entrée à
l’école des jumeaux. Il raconte comment leur père y voulait les mettre en
différents classes et ainsi les séparer, un projet qui finalement ne marchait
pas. Ceci s’est passé trois ans avant les événements chez la grand-mère. Au fil
de la guerre, l’école devait s’arrêter et c’est chez leur grand-mère que les
frères décident « de poursuivre [leurs] études sans instituteurs,
seuls. »
Dans L’achat du papier, du cahier
et des crayons, les jumeaux vont dans un magasin pour s’acheter du papier
et des crayons, objets dont ils ont besoin pour pouvoir poursuivre leurs études
comme ils l’ont décidé à la fin du chapitre précédent. Ils admettent
volontairement au propriétaire du magasin qu’ils n’ont pas d’argent. Si au
début, ce libraire ne veut rien leur donner, suite à leur insistance (d’abord
silencieuse, puis par des offertes non-financières), suite à leur performance
prématurée qui le perturbe et à leur apparition sans le moindre signe de capitulation,
il finit par jeter le papier, les crayons et le cahier vers la porte pour ainsi
faire sortir les garçons, sans accepter les offertes qu’ils lui ont faites.
Dans Nos études, les jumeaux
expliquent comment à la place d’aller à l’école, ils procèdent à leurs études
de façon indépendante. Ils décrivent les différentes matières où ils
s’entraînent, surtout les leçons de rédaction. Pendant celles-ci, les frères rédigent,
au brouillon, ce qu’ils vivent. Ces compositions suivent des règles et critères
stricts. Au nom de la vérité, toute marque de subjectivité doit y être enlevée.
Les textes qui remplissent assez ces critères sont enfin copiés dans le Grand
Cahier. Le lecteur réalise que le livre qu’il est en train de lire est la
collection de ces textes.
d)
« Nous
allons à l’école pendant deux ans et demi. Les instituteurs partent aussi au
front ; ils sont remplacés par des institutrices. Plus tard, l’école ferme
car il y a trop d’alertes et de bombardements.
Nous
savons lire, écrire et calculer.
Chez
Grand-Mère, nous décidons de poursuivre nos études sans instituteurs,
seuls. »
L’école,
page 28
Ce premier extrait est tiré de la fin du chapitre « l’école ».
Les jumeaux viennent d’arriver chez leur grand-mère. C’est un des rares moments
où ils racontent des faits qui se sont passés avant leur arrivée dans la
« Petite Ville ». Sur quelques lignes, ils résument leur carrière
scolaire, ce qu’ils ont appris jusqu’alors et leur projet de continuer leur
éducation.
Ce qui est très frappant dans ce texte est le manque de presque toute
marque de subjectivité de sorte que même s’il est raconté d’un narrateur-personnage
(ou de deux narrateurs), la focalisation semble être plutôt externe qu’interne.
Le lecteur apprend des éléments de la vie des jumeaux - mais non pas de leurs sentiments
ou opinions face à ce qu’ils vivent. De plus, rien n’informe sur le temps ou le
lieu où les narrateurs se trouvent quand ils racontent l’histoire. En effet,
tout est rapporté au présent, même si c’est un sommaire de presque trois ans.
Le « nous » est le seul déictique, le seul signe de subjectivité.
On peut aussi remarquer l’isolement croissant du « nous » et
qui est amené selon une gradation : le fait qu’ils ont d’abord des instituteurs ;
ensuite il ne reste que des institutrices et que, finalement, ils sont
« sans instituteurs, seuls ».
Et aussi la phrase « Nous savons lire, écrire et calculer »,
qui d’une certaine manière définit ici le « nous », forme un paragraphe
à elle seule : ils sont seuls à porter la « civilisation ».
Mais d’autre part, cette phrase démontre aussi que c’est un
« nous » conscient de lui-même. Le « nous » connaît ses
propres facultés. Le « nous » ne semble pas non plus perdu dans le
temps, mais suit un ordre chronologique. Le « nous » n’est pas une
simple victime des événements qui l’entourent. Il démontre la résolution de
continuer – même s’il est seul.
Mais pourquoi le « nous », s’il peut parler de ses facultés,
ne parle pas de son vécu, de ses sentiments ou opinions, reste sans réponse.
« Nous
écrirons : « nous mangeons beaucoup de noix », et non pas :
« Nous aimons les noix », car le mot « aimer » n’est pas un
mot sûr, il manque de précision et d’objectivité. « Aimer les noix »
et « aimer notre Mère », cela ne peut pas vouloir dire la même chose.
La première formule désigne un goût agréable dans la bouche, et la deuxième un
sentiment.
Les
mots qui définissent les sentiments sont très vagues ; il vaut mieux
éviter leur emploi et s’en tenir à la description des objets, des êtres humains
et de soi-même, c’est-à-dire à la description fidèle des faits. »
Nos études,
page 33
Ce deuxième extrait est tiré de la fin du 12e chapitre, L’école. Les jumeaux rapportent la
construction de leurs études qu’ils entretiennent à eux-mêmes, comme décrit
plus haut.
De nouveau, c’est un texte sans discours direct. Mais si le premier
extrait était une pièce de narration racontant des actions, ici, on est plutôt
dans un texte de type descriptif. Le texte décrit les critères sur lesquels les
jumeaux jugent leurs compositions « bien » ou « pas bien ».
Avec cet aspect de conditionnalité mais aussi avec le futur « nous
écrirons », le texte s’ouvre même d’une côté prescriptif et devient une
sorte de mode d’emploi indiquant comment les deux frères doivent écrire leurs
compositions.
Comme le livre consiste en ces compositions, cet extrait peut aussi être
vu comme une clé de lecture redondant.
Le lecteur, avec ce deuxième extrait, voit que la manque de subjectivité
soulignée au premier extrait ne naît pas d’une incompétence des narrateurs,
mais est volontairement utilisée pour ainsi obtenir la sûreté, la précision,
enfin « la description fidèle des faits » qu’ils recherchent.
LECTURE DES CHAPITRES
L'école
L'achat du papier, du cahier et des crayons
Nos études
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