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Transcription:
Patrick Simonin: Bonjour Jean Ziegler.
Jean Ziegler : Bonjour.
Patrick Simonin : Vice-président du conseil des Nations Unies, chargé
des droits de l’homme. Vous êtes aussi rapporteur spéciale des Nations Unies
pour l’alimentation et vous publiez- j’allais dire un coup de gueule, un de plus, dans
cette carrière qui vous amène à vous révolter des souffrances et des injustices
du monde, ça s’appelle « Destruction massive- géopolitique de la
faim », c’est publié au Seuil et vous y dénoncez le scandale de ce que vous
appelez « le crime organisé de la faim dans le monde. »
Jean Ziegler : Sans aucun doute. La faim dans le monde, les
hécatombes, ce meurtre collectif qui se déroule dans une normalité glacée tous
les jours, de la destruction par la faim de millions d’êtres humains, est le
scandale numéro un de notre temps, au seuil de ce millénaire. Tous les cinq secondes
un enfant en dessous de dix ans meurt de faim, 37 000 personnes meurent de faim
tous les jours et près d’un milliard d’êtres humains sont mutilés, invalidés
par la faim permanente par la sous-alimentation permanente et dans le même
World Food Report de l’FAO, qui donne les chiffres des victimes, dit que
l’agriculture mondiale dans l’étape actuelle de son devenir pourrait nourrir
normalement douze milliards d’êtres humains, presque le double de l’humanité.
Conclusion : il n’y plus aucune- c’était différent par les siècles passés,
aujourd’hui il n’y a plus aucune fatalité pour le massacre. Un enfant qui meurt
de faim maintenant où nous parlons, est assassiné.
Patrick Simonin: Vous dites d’ailleurs, vous citez évidemment les
droits de l’homme, le droit à s’alimenter, un droit fondamental. Celui qui en
prive quelqu’un, c’est un criminel, et donc vous dites qui sont les criminels
aujourd’hui ?
Jean Ziegler : C’est vrai l’article 25, vous avez tout à fait
raison, de la déclaration universelle de droit de l’homme formule le droit à
l’alimentation. Une alimentation régulière, digne, qui permet une vie, une vie
sans angoisse, etc. Et ce droit est peut-être le droit, non pas peut-être,
sûrement, le droit le plus brutalement, le plus cyniquement et le plus
massivement nié, violé sur cette planète. Alors on meurt de faim pour une
multitude de raisons, mais toutes ces causalités sont faites de mains d’homme.
J’en cite quelques-unes : aujourd’hui où nous discutons, douze millions
d’êtres humains en Afrique orientale sont au bord de l’anéantissement par la
faim. Parce qu’il y a une sécheresse depuis cinq ans etc., terrifiant. Et les
Nations Unies doivent refuser des gens par centaines chaque matin aux portes
des 17 camps qui devraient accueillir ces Soudanais. Pourquoi ? Parce que
le programme alimentaire mondial qui est l’organisation qui doit fournir l’aide
alimentaire d’urgence de la part de Nations Unies a perdu la moitié de son
budget en deux ans.
Patrick Simonin: Ça veut dire quoi ?
Jean Ziegler : Ça veut dire que les grands états industriels
qui sont les cotisants, les donateurs par la loi du programme alimentaire
mondial ne paient plus, ne paient plus.
Patrick Simonin: Pourquoi ils ne paient plus ? Parce qu’on a la
crise internationale, parce qu’on ne peut plus payer, parce que les états sont
endettés ?
Jean Ziegler : Voilà ! Parce que les spéculateurs qui
ont ruiné les marchés financiers maintenant doivent être soutenus, le système
bancaire, financé à coup de dizaine de milliards par les contribuables, conséquence :
Paris, Londres, Berlin ne paient plus leurs cotisations au programme alimentaire
mondial qui ne peut plus fournir de l’aide et les gens meurent. Autrement
dit : les spéculateurs qui ont ruiné, qui ont ruiné les bourses du monde
en 2002 et 2007 par avidité, par folie du gain, devraient être transférés
devant un tribunal de Nürnberg, et jugés pour crimes contre l’humanité, parce
que ces spéculateurs tuent. Et ils tuent par centaines de milliers, maintenant
où nous parlons.
Patrick Simonin: Spéculateurs ; vous parlez de qui ? Ce
sont de
grands
industriels ce sont ouais…
Jean Ziegler : Il y les hedge funds. Il y a trois acteurs
principaux. D’abord le marché alimentaire. Les trois aliments de base pour
aller vite : le maïs, le riz et le blé qui couvrent 75 pour cents de la
consommation mondiale sont dominés par une dizaine de sociétés multinationales.
L’année dernière Cargill, par exemple, a contrôlé 26,8 pour cent de tout le
commerce du blé, a fixé les prix. Louis Dreyfus, Brodès par exemple fixent
grosso modo, avec quelques autres les prix du riz. Et ces prix augmentent du
fait de la spéculation boursière puisque les hedge-founds se sont joints
maintenant, ils ont migrés sur les bourses des matières premières et agricoles,
le maïs a augmenté de 13 pour cent en 18 mois, la tonne de blé a doublé depuis
l’année dernière et le riz a augmenté de 113 pour cents. Dans les bidonvilles
du monde, où habitent 2,7 milliards des extrêmement pauvres, comme le dit la
banque mondiale où la ménagère doit avec rien du tout acheter sa nourriture
pour sa famille et pour elle-même et bien simplement l’argent manque et ces prix qui
explosent et qui profitent infiniment, qui créent des profits astronomique pour
les hedge funds, pour les grandes banques et pour les sociétés multinationales-
ces prix-là ne peuvent plus être payés et les gens meurent en nombre toujours
plus.
Deux analyses grammaticales
Jean Ziegler
utilise fréquemment le pronom relatif « qui » et la locution
conjonctive « parce que ». Dans ce qui suit nous aimerions relever les
aspects grammaticaux de ces deux locutions.
Le pronom
relatif
Le pronom
relatif sert premièrement à lier une proposition subordonnée à un nom ou un
pronom appartenant à la proposition principale.
Ex. : Les spéculateurs qui ont ruiné les bourses du monde.
·
Les
pronoms relatifs se laissent diviser en formes invariables : qui, que, dont, où, quoi
·
Les
formes variables (varient en genre et nombre) : lequel/lesquels, laquelle/lesquelles
·
Les
formes contractées (construction avec à
et de) duquel, desquels, desquelles ; auquel, auxquels, auxquelles
Qui, que, quoi
Qui
se réfère à un sujet. Que se réfère
à un objet direct. Quoi précédé
d’une préposition, se réfère à des choses.
Ex. : Les
banques que j’accuse.
Un
enfant qui meurt de faim est
assassiné.
L’animateur sait à quoi il songe.
Où reprend
un lieu. Ex. : Dans les bidonvilles,
où habitent les extrêmement pauvres.
Dont
est un pronom relatif qui est synonyme pour de
quoi, duquel, de qui etc. Il s’emploie si le pronom relatif est précédé de
la préposition de. Ex. : L’homme
dont dépend ton destin. (moins
souvent : L’homme duquel dépend
ton destin.)
Les locutions
conjonctives de cause : parce que,
car, puisque, comme
parce que : La locution conjonctive parce que introduit une subordonnée circonstancielle de cause (une
causale). Ex. : Ils sont des
criminels, parce qu’ils spéculent sur des aliments de
base.
La causale
explique pourquoi une action se réalise avec le verbe dans la proposition
principale et elle a la fonction de complément circonstanciel de cause du verbe
dans la principale.
-->Ils sont des criminels pour cause de spéculation sur des aliments de base.
-->Ils sont des criminels pour cause de spéculation sur des aliments de base.
car : est une conjonction de coordination, toujours en deuxième
position après une virgule.
Ex.: Elle met son pull, car il fait froid.
Ex.: Elle met son pull, car il fait froid.
puisque : se situe soit en première, soit en deuxième position
dans la phrase. La conjonction sert à exprimer une démonstration ou une évidence.
Ex.: Puisque tous les hommes sont égaux, ils devraient avoir la possibilité de bouger librement.
Ex.: Puisque tous les hommes sont égaux, ils devraient avoir la possibilité de bouger librement.
comme : est une conjonction de subordination qui est employée
en première position dans la phrase. Ex.: Comme il était chez lui, il ne pouvait pas commettre le
crime.
Attention :
parce que ≠ par ce que
par ce que est construit par par (préposition), ce
(pronom démonstratif) et que (pronom
relatif)
Ex. :
Jean Ziegler s’indigne par ce que les banques ont fait.
Exercice
audio-visuel
Questions :
1. Combien
d’êtres humains meurent de faim chaque jour ?
2. Quels sont
les trois aliments de base les plus importants ?
Ces phrases
sont-elles vraies ou fausses ? Justifiez vos réponses.
3. Les pays
industriels ne payent plus leurs cotisations au programme mondial d’alimentation
à cause de la crise financière.
4. Les pays
du Sud spéculent sur des aliments de base, ce qui provoque l’augmentation des
prix.
5.
L’agriculture mondiale dans son état actuel pourrait nourrir douze milliards
d’hommes.
Solutions :
1. 37 000
personnes meurent chaque jour de faim et des conséquences directes de la
sous-alimentation.
2. Les trois
aliments de base sont le maïs, le riz et le blé.
3. Oui, c’est
juste. Ils ne peuvent plus payer parce qu’ils doivent soutenir les banques qui
ont fait faillites pendant les crises financières.
4. Non, c’est
faux. Ce sont les bourses de matières premières qui spéculent sur les aliments,
ce qui leur procure des profits astronomiques et ce qui fait augmenter le prix
des aliments de base.
5. Oui, c’est
juste. C’est ce que dit le World Food Report de l’organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
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