jeudi 10 décembre 2015

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Transcription:

Patrick Simonin: Bonjour Jean Ziegler.

Jean Ziegler : Bonjour.

Patrick Simonin : Vice-président du conseil des Nations Unies, chargé des droits de l’homme. Vous êtes aussi rapporteur spéciale des Nations Unies pour l’alimentation et vous publiez- j’allais dire un coup de gueule, un de plus, dans cette carrière qui vous amène à vous révolter des souffrances et des injustices du monde, ça s’appelle « Destruction massive- géopolitique de la faim », c’est publié au Seuil et vous y dénoncez le scandale de ce que vous appelez « le crime organisé de la faim dans le monde. »

Jean Ziegler : Sans aucun doute. La faim dans le monde, les hécatombes, ce meurtre collectif qui se déroule dans une normalité glacée tous les jours, de la destruction par la faim de millions d’êtres humains, est le scandale numéro un de notre temps, au seuil de ce millénaire. Tous les cinq secondes un enfant en dessous de dix ans meurt de faim, 37 000 personnes meurent de faim tous les jours et près d’un milliard d’êtres humains sont mutilés, invalidés par la faim permanente par la sous-alimentation permanente et dans le même World Food Report de l’FAO, qui donne les chiffres des victimes, dit que l’agriculture mondiale dans l’étape actuelle de son devenir pourrait nourrir normalement douze milliards d’êtres humains, presque le double de l’humanité. Conclusion : il n’y plus aucune- c’était différent par les siècles passés, aujourd’hui il n’y a plus aucune fatalité pour le massacre. Un enfant qui meurt de faim maintenant où nous parlons, est assassiné.

Patrick Simonin: Vous dites d’ailleurs, vous citez évidemment les droits de l’homme, le droit à s’alimenter, un droit fondamental. Celui qui en prive quelqu’un, c’est un criminel, et donc vous dites qui sont les criminels aujourd’hui ?

Jean Ziegler : C’est vrai l’article 25, vous avez tout à fait raison, de la déclaration universelle de droit de l’homme formule le droit à l’alimentation. Une alimentation régulière, digne, qui permet une vie, une vie sans angoisse, etc. Et ce droit est peut-être le droit, non pas peut-être, sûrement, le droit le plus brutalement, le plus cyniquement et le plus massivement nié, violé sur cette planète. Alors on meurt de faim pour une multitude de raisons, mais toutes ces causalités sont faites de mains d’homme. J’en cite quelques-unes : aujourd’hui où nous discutons, douze millions d’êtres humains en Afrique orientale sont au bord de l’anéantissement par la faim. Parce qu’il y a une sécheresse depuis cinq ans etc., terrifiant. Et les Nations Unies doivent refuser des gens par centaines chaque matin aux portes des 17 camps qui devraient accueillir ces Soudanais. Pourquoi ? Parce que le programme alimentaire mondial qui est l’organisation qui doit fournir l’aide alimentaire d’urgence de la part de Nations Unies a perdu la moitié de son budget en deux ans.

Patrick Simonin: Ça veut dire quoi ?

Jean Ziegler : Ça veut dire que les grands états industriels qui sont les cotisants, les donateurs par la loi du programme alimentaire mondial ne paient plus, ne paient plus.

Patrick Simonin: Pourquoi ils ne paient plus ? Parce qu’on a la crise internationale, parce qu’on ne peut plus payer, parce que les états sont endettés ?

Jean Ziegler : Voilà ! Parce que les spéculateurs qui ont ruiné les marchés financiers maintenant doivent être soutenus, le système bancaire, financé à coup de dizaine de milliards par les contribuables, conséquence : Paris, Londres, Berlin ne paient plus leurs cotisations au programme alimentaire mondial qui ne peut plus fournir de l’aide et les gens meurent. Autrement dit : les spéculateurs qui ont ruiné, qui ont ruiné les bourses du monde en 2002 et 2007 par avidité, par folie du gain, devraient être transférés devant un tribunal de Nürnberg, et jugés pour crimes contre l’humanité, parce que ces spéculateurs tuent. Et ils tuent par centaines de milliers, maintenant où nous parlons.  

Patrick Simonin: Spéculateurs ; vous parlez de qui ? Ce sont de
grands industriels ce sont ouais…

Jean Ziegler : Il y les hedge funds. Il y a trois acteurs principaux. D’abord le marché alimentaire. Les trois aliments de base pour aller vite : le maïs, le riz et le blé qui couvrent 75 pour cents de la consommation mondiale sont dominés par une dizaine de sociétés multinationales. L’année dernière Cargill, par exemple, a contrôlé 26,8 pour cent de tout le commerce du blé, a fixé les prix. Louis Dreyfus, Brodès par exemple fixent grosso modo, avec quelques autres les prix du riz. Et ces prix augmentent du fait de la spéculation boursière puisque les hedge-founds se sont joints maintenant, ils ont migrés sur les bourses des matières premières et agricoles, le maïs a augmenté de 13 pour cent en 18 mois, la tonne de blé a doublé depuis l’année dernière et le riz a augmenté de 113 pour cents. Dans les bidonvilles du monde, où habitent 2,7 milliards des extrêmement pauvres, comme le dit la banque mondiale où la ménagère doit avec rien du tout acheter sa nourriture pour sa famille et pour elle-même et bien  simplement l’argent manque et ces prix qui explosent et qui profitent infiniment, qui créent des profits astronomique pour les hedge funds, pour les grandes banques et pour les sociétés multinationales- ces prix-là ne peuvent plus être payés et les gens meurent en nombre toujours plus.

Deux analyses grammaticales
Jean Ziegler utilise fréquemment le pronom relatif « qui » et la locution conjonctive « parce que ». Dans ce qui suit nous aimerions relever les aspects grammaticaux de ces deux locutions.

Le pronom relatif
Le pronom relatif sert premièrement à lier une proposition subordonnée à un nom ou un pronom appartenant à la proposition principale.
Ex. : Les spéculateurs qui ont ruiné les bourses du monde.
·       Les pronoms relatifs se laissent diviser en formes invariables : qui, que, dont, où, quoi
·       Les formes variables (varient en genre et nombre) : lequel/lesquels, laquelle/lesquelles
·       Les formes contractées (construction avec à et de) duquel, desquels, desquelles ; auquel, auxquels, auxquelles

Qui, que, quoi
Qui se réfère à un sujet. Que se réfère à un objet direct. Quoi précédé d’une préposition, se réfère à des choses.
Ex. :    Les banques que j’accuse.
            Un enfant qui meurt de faim est assassiné.
            L’animateur sait à quoi il songe.
           
reprend un lieu. Ex. : Dans les bidonvilles, habitent les extrêmement pauvres.
Dont est un pronom relatif qui est synonyme pour de quoi, duquel, de qui etc. Il s’emploie si le pronom relatif est précédé de la préposition de. Ex. : L’homme dont dépend ton destin. (moins souvent : L’homme duquel dépend ton destin.)


Les locutions conjonctives de cause : parce que, car, puisque, comme
parce que : La locution conjonctive parce que introduit une subordonnée circonstancielle de cause (une causale). Ex. : Ils sont des criminels, parce qu’ils spéculent sur des aliments de base.
La causale explique pourquoi une action se réalise avec le verbe dans la proposition principale et elle a la fonction de complément circonstanciel de cause du verbe dans la principale
 -->Ils sont des criminels pour cause de spéculation sur des aliments de base.
car : est une conjonction de coordination, toujours en deuxième position après une virgule.  
Ex.: Elle met son pull, car il fait froid.
puisque : se situe soit en première, soit en deuxième position dans la phrase. La conjonction sert à exprimer une démonstration ou une évidence. 
 Ex.: Puisque tous les hommes sont égaux, ils devraient avoir la possibilité de bouger librement.
comme : est une conjonction de subordination qui est employée en première position dans la phrase. Ex.: Comme il était chez lui, il ne pouvait pas commettre le crime.

Attention : parce que ≠ par ce que
par ce que est construit par par (préposition), ce (pronom démonstratif) et que (pronom relatif)
Ex. : Jean Ziegler s’indigne par ce que les banques ont fait.

Exercice audio-visuel
Questions :
1. Combien d’êtres humains meurent de faim chaque jour ?
2. Quels sont les trois aliments de base les plus importants ?

Ces phrases sont-elles vraies ou fausses ? Justifiez vos réponses.
3. Les pays industriels ne payent plus leurs cotisations au programme mondial d’alimentation à cause de la crise financière.
4. Les pays du Sud spéculent sur des aliments de base, ce qui provoque l’augmentation des prix.
5. L’agriculture mondiale dans son état actuel pourrait nourrir douze milliards d’hommes.



Solutions :
1. 37 000 personnes meurent chaque jour de faim et des conséquences directes de la sous-alimentation.
2. Les trois aliments de base sont le maïs, le riz et le blé.
3. Oui, c’est juste. Ils ne peuvent plus payer parce qu’ils doivent soutenir les banques qui ont fait faillites pendant les crises financières.
4. Non, c’est faux. Ce sont les bourses de matières premières qui spéculent sur les aliments, ce qui leur procure des profits astronomiques et ce qui fait augmenter le prix des aliments de base.
5. Oui, c’est juste. C’est ce que dit le World Food Report de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

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