samedi 12 décembre 2015




1.     Introduction
Entre les murs est une adaption du roman éponyme de François Bégaudeau. Celui-ci ne s’est pas seulement occupé du développement du scénario, mais joue également le rôle principal du film. Réalisé par Laurent Cantet, Entre les murs a reçu la Palme d'or lors du Festival de Cannes 2008. Ainsi, il est devenu le deuxième film de production strictement française depuis 1987, qui ait été doté de ce prix d’honneur. 

L’intrigue en est vite racontée : François est un jeune professeur de français d’une classe de 4ème dans un collège qui se trouve dans le 20e arrondissement de Paris réputé difficile. Les élèves migrants, vivant souvent dans des circonstances de vie compliquées, n’hésitent pas à affronter leur professeur et à tester ses limites. Celui-ci, en revanche, n’évite pas cette confrontation et pousse les adolescents jusqu’à leurs limites afin de les motiver et de leur montrer qu’il les prend au sérieux.


2.     Pourquoi les deux séquences sont-elles importantes ?
L’enjeu des deux séquences choisies est le rôle de la langue dans les relations entre professeur et élèves, i.e. la question du pouvoir dans l’espace de la classe ou même au sein de l’institution scolaire. En opposant les deux séquences l’une à l’autre, on peut y repérer deux mises en scène différentes de la hiérarchie des relations des locuteurs ainsi que de leur maîtrise de la langue.
Dans la première scène, le spectateur assiste à une situation typique et aussi exemplaire de ce qu' on peut trouver dans d’autres villes européennes comptant un grand pourcentage d’élèves migrants. Un cours de français où l'on traite un sujet de grammaire qui se déroule comme d’habitude et où les rôles sont bien répartis : le professeur, maître de langue, gère le scénario, les élèves suivent plus au moins motivés les explications du professeur. Ils ne remettent pas en cause son rôle de maître ni ses connaissances de langue. Ce qui les occupe – étant très conscients des codes langagiers à respecter en classe – c’est le registre courant, à l'écrit ou à l'orale. Un jeu s’engage sur la question de l’utilité du subjonctif imparfait, i.e. sur la différence entre la langue de la rue, voire le verlan, et le français standard. Ces épisodes de négociations autour de la langue renvoient donc à la question de la norme et de la hiérarchie entre les différentes formes du français. Mais tandis qu'on bataille sur la norme grammaticale, on ne met jamais en question la hiérarchie professeur-élève. 
Par contre, dans la deuxième séquence, cette évidence commence à basculer. On se retrouve dans une réunion de crise lors de laquelle la mauvaise conduite d’un élève, ainsi que les conséquences de celle-ci, sont discutées. Le directeur et son adjoint, ainsi que tous les professeurs concernés sont rassemblés à cette table ronde. L’élève en question y est présent accompagné de sa mère. Il se révèle que celle-ci ne maîtrise pas le français. Cette découverte faite en situation chamboule le rapport entre le personnel pédagogique d’une part et l’élève d’autre part : Bien qu’il fasse « l'objet » de cette réunion – et cause dont on va juger – le nouveau contexte le fait glisser dans le rôle indispensable de traducteur. La maîtrise de sa langue maternelle le qualifie pour servir d’intermédiaire entre deux milieux sociaux auxquels il appartient, mais dont il est le seul être capable de sauter de l’un à l’autre. L’hégémonie du pouvoir bascule ; les enseignants y compris directeur, dépendent dès lors de l’élève sans lequel l'échange ne peut qu’échouer. Or, malgré les regards étonnés et l’attente impatiente des professeurs et du directeur, l’élève ne tire pas avantage de sa situation ni ne la reconnaît vraiment. Au contraire, il obéit aux règles qui lui sont imposées par les structures scolaires et traduit – la tête baissée, mais sans tiquer – tous ces propos délicats qui sont échangés entre sa mère et le directeur. En tout, on devient témoin d’une scène impressionnante qui démontre finalement la suprématie des structurelles institutionnelles, mais qui remet également en cause le rapport entre le pouvoir et la langue. Par ailleurs, cet effet est accentué par le déséquilibre du nombre des personnes présentes : D’un côté le directeur avec tout son entourage et de l’autre, un seul mineur avec sa mère. Ainsi, cette scène ouvre une nouvelle perspective sur l’enjeu de la langue dans des contextes multilingues dans les pays de migration et suggère une redistribution du rapport entre langue et pouvoir. 

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