vendredi 11 décembre 2015

france rousset, performer, version révisée



Performer
Molière : George Dandin, 1668.
Acte II scène 1.
Texte pastiché :
Roselyne : J’étais sur que c’est toi qui a caf’té à un gars qui l’a répété à notre boss
Clampin : Mais j’te promets, j’ai juste dit à un gars qui passait de faire genre qu’il m’a pas vu
R : Eh ben l’patron, il s’est bien gouré en t’prenant comme entremetteur, t’es vraiment chatteux, hein.
C : J’te promets, j’f’rai gaffe à l’avenir
R : ben, y s’rait temps ouais
C : Bref. Ecoute.
R : Quoi ?
C : Regarde –moi
R : Oui !
C : Roselyne !
R : Ben… Accouche là !
C : Tu vois pas c’que j’veux t’dire ?
R : Non.
C : Putain, j’te kiffe !
R : Jure ?
C: Sur la tête de ma mère
R : ok…
C : Quand j’te vois, j’ai la trique
R : Ah ! ça m’fait d’belles jambes d’savoir ça, dis !
C : Tu es trop bonne..
R : Ben… comme toutes les autres meufs, quoi.
C : Deviens ma gonz, que j’sois ton keum, j’ai envie de sortir avec toi…
R : Mais t’façon tu s’ras jaloux comme le patron
C : Mais non, mais non
R : Mais… j’déteste les mecs jaloux, moi ! j’veux pouvoir respirer, quoi !
C : Ben c’est moi ça
R : J’veux pouvoir être libre
C : T’auras qu’à faire c’que tu veux
R : Si tu m’respectes, y’a p’tet moyen…
C : Alors on sort ensemble ?
R : Faut voir…
C : Vas-y mets-toi à l’aise
R : oui, ben j’suis bien
C : Ben vas-y viens là !
R : Non mais touche-moi pas !
C : Mais laisse-toi faire
R : Non mais dégage !
C : Mais t’as pas honte d’être aussi bonne et d’pas vouloir qu’on te touches ?
R : Nan mais là j’vais t’en foutre une, maintenant, y’en à marre
C : Mais t’es folle ?
R : T’as cru quoi ?
C : Mais vas-y laisse-toi faire
R : Non ! Sois patient, un peu !
C : Fais-moi au moins un smack
R : Nan mais là dégage, j’vais l’transmettre au patron son message !
C: OK, ciao
R: Ciao.
Texte original:
« CLAUDINE, LUBIN.

CLAUDINE.- Oui, j’ai bien deviné qu’il fallait que cela vînt de toi, et que tu l’eusses dit à quelqu’un qui l’ait rapporté à notre maître.

LUBIN.- Par ma foi je n’en ai touché qu’un petit mot en passant à un homme, afin qu’il ne dît point qu’il m’avait vu sortir, et il faut que les gens en ce pays-ci soient de grands babillards.

C.- Vraiment ce Monsieur le Vicomte a bien choisi son monde que de te prendre pour son ambassadeur, et il s’est allé servir là d’un homme bien chanceux.

L.- Va, une autre fois je serai plus fin, et je prendrai mieux garde à moi.

C.- Oui, oui, il sera temps.

L.- Ne parlons plus de cela, écoute.

C.- Que veux-tu que j’écoute ?

L.- Tourne un peu ton visage devers moi.

C.- Hé bien qu’est-ce ?

L.- Claudine.

C.- Quoi ?

L.- Hé là, ne sais-tu pas bien ce que je veux dire ?

C.- Non.

L.- Morgué je t’aime.

C.- Tout de bon ?

L.- Oui le diable m’emporte, tu me peux croire, puisque j’en jure.

C.- À la bonne heure.

L.- Je me sens tout tribouiller le cœur quand je te regarde.

C.- Je m’en réjouis.

L.- Comment est-ce que tu fais pour être si jolie ?

C.- Je fais comme font les autres.

L.- Vois-tu, il ne faut point tant de beurre pour faire un quarteron. Si tu veux tu seras ma femme, je serai ton mari, et nous serons tous deux mari et femme.

C.- Tu serais peut-être jaloux comme notre maître.

L.- Point.

C.- Pour moi, je hais les maris soupçonneux, et j’en veux un qui ne s’épouvante de rien, un si plein de confiance, et si sûr de ma chasteté, qu’il me vît sans inquiétude au milieu de trente hommes.

L.- Hé bien, je serai tout comme cela.

C.- C’est la plus sotte chose du monde que de se défier d’une femme, et de la tourmenter. La vérité de l’affaire est qu’on n’y gagne rien de bon. Cela nous fait songer à mal, et ce sont souvent les maris qui avec leurs vacarmes se font eux-mêmes ce qu’ils sont.

L.- Hé bien, je te donnerai la liberté de faire tout ce qu’il te plaira.

C.- Voilà comme il faut faire pour n’être point trompé. Lorsqu’un mari se met à notre discrétion, nous ne prenons de liberté que ce qu’il nous en faut, et il en est comme avec ceux qui nous ouvrent leur bourse et nous disent, prenez. Nous en usons honnêtement, et nous nous contentons de la raison. Mais ceux qui nous chicanent, nous nous efforçons de les tondre, et nous ne les épargnons point.

L.- Va, je serai de ceux qui ouvrent leur bourse, et tu n’as qu’à te marier avec moi.

C.- Hé bien bien nous verrons.

L.- Viens donc ici, Claudine.

C.- Que veux-tu ?

L.- Viens, te dis-je.

C.- Ah ! doucement. Je n’aime pas les patineurs.

L.- Eh un petit brin d’amitié.

C.- Laisse-moi là, te dis-je, je n’entends pas raillerie.

L.- Claudine.

C.- Ahy !

L.- Ah ! que tu es rude à pauvres gens. Fi, que cela est malhonnête de refuser les personnes. N’as-tu point de honte d’être belle, et de ne vouloir pas qu’on te caresse ? Eh là.

C.- Je te donnerai sur le nez.

L.- Oh la farouche. La sauvage. Fi poua la vilaine, qui est cruelle.

C.- Tu t’émancipes trop.

L.- Qu’est-ce que cela te coûterait de me laisser un peu faire?

C.- Il faut que tu te donnes patience.

L.- Un petit baiser seulement en rabattant sur notre mariage.

C.- Je suis votre servante.

L.- Claudine, je t’en prie, sur l’et-tant-moins.

C.- Eh que nenni. J’y ai déjà été attrapée. Adieu. Va-t’en, et dis à Monsieur le Vicomte que j’aurai soin de rendre son billet.

L.- Adieu beauté rude ânière.

C.- Le mot est amoureux.

L.- Adieu rocher, caillou, pierre de taille, et tout ce qu’il y a de plus dur au monde.

C.- Je vais remettre aux mains de ma maîtresse... Mais la voici avec son mari, éloignons-nous, et attendons qu’elle soit seule. »
Source : Molière : George Dandin ou le Mari confondu. Editions Larousse, Paris 2007.



d) Présentation du dialogue
Molière est un grand dramaturge et comédien français du XVIIe siècle. Il est connu pour de nombreuses pièces, comme par exemple : Tartuffe ou Le Médecin malgré lui. George Dandin est une comédie-ballet élaborée par Molière pour un évènement royal. En effet, sous le règne de Louis XIV il était habituel de recevoir des artistes lors de fêtes à la Cour. Ainsi, en 1668, George Dandin est jouée pour la première fois devant le Roi, puis présentée au grand public par la suite. Les thèmes principaux de cette œuvre sont d’une part l’opposition entre la vie des paysans et celle des aristocrates, et, d’autre part, les mariages arrangés ou du moins sans sentiments. 

e) Importance du dialogue
La scène choisie pour cet exercice de performance se trouve au début de l’acte II et comprend un dialogue entre Claudine et Lubin. Ce dernier révèle les sentiments qu’il éprouve envers elle, qui s’avèrent ne pas être réciproques, d’où l’indifférence et le rejet de Claudine. De plus, chez Molière, on retrouve un jeu sur les mots et les registres, provoquant souvent l’effet de rire. Ce dialogue peut être adapté à ou traduit en un langage actuel, familier voire argotique, qui illustrerait ce que l’on peut entendre de nos jours.
Dans le dialogue pastiché, Lubin se prénomme Clampin, et Claudine, Roselyne. Le langage employé est issu du registre familier (jeune). Cependant, le thème du dialogue est préservé, ce qui signifie que Clampin déclare, à sa façon, sa flamme à Roselyne.









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