6-RENCONTRER
Exposé
Lors de mon séjour au Cameroun en 2013, j’ai rencontré
Christelle dans un projet organisé par l’ONG (« Nouvelle Planète »).
Nous étions douze jeunes suisses et sept jeunes camerounais à soutenir les
ouvriers dans la rénovation d’une école, notamment les salles de classes et les
toilettes. Notre groupe a collecté de l’argent à travers des levées de fonds et
des actions qui généraient des dons privés en Suisse, pour finalement aller au
Cameroun et pouvoir passer trois semaines à Belo, dans la région d’Acha, à
l’est du pays. Là-bas nous avons travaillé, mangé et fêté ensemble. Les trois
semaines se sont écoulées rapidement, et c’était une expérience magnifique.
J’ai gardé le contact avec Christelle à travers des emails et des appels sur
Skype. Alors je lui ai parlé de mes cours de ce semestre à l’Université et elle
était motivée à répondre à quelques questions au cours d’une interview. Pour
cela on a fixé une date et une heure précise. C’était un vendredi matin à 10
heures lorsque j’ai appelé Christelle à Yaoundé.
Emmanuel : Bonjour Christelle, comment vas-tu ?
Christelle : Bonjour Emmanuel, je vais bien merci.
E : Très bien, très bien. Ehm-est-ce que tu pourrais
donner une petite présentation de ta famille et de toi à nos auditeurs ?
C : Ehh-Je suis Christelle. Christelle K. J’ai 24 ans.
Et puis, j’ai fait des études en gestion de projets. J’suis la dernière d’une
famille de sept enfants et mes parents, ils sont déjà à la retraite. Ma maman,
elle était enseignante à l’école primaire et mon papa, il était … travaillait à
la police. Mes frères et sœurs ; nous sommes sept enfants, mes frères et
sœurs. Ils travaillent hum d’autres travaillent hors du Cameroun d’autres
travaillent au Cameroun. Et puis je j’habite à Yaoundé, c’est la capitale du
Cameroun. Donc et je vis ici avec mon frère et avec mes deux sœurs. Voilà.
E : Parfait, parfait. Eh donc tes loisirs un peu. T’as
dit que tu vis à Yaoundé- j’imagine qu’il y a plein de choses à faire pour les
jeunes camerounaises et camerounais.
C : Ouais ; hum j’ai pas beaucoup ehm je sors pas
beaucoup. La plupart du temps- mes loisirs c’est la lecture sur internet, je
fais un blog et ehm la plupart du temps comme les jeunes ici ont beaucoup
whattsapp déjà- les applications téléphoniques sont utilisées pour échanger.
E : Hum
C : Et pour les sorties, de temps en temps je vais au
marché. Ouais, bon c’est un peu ce que fais parce que je n’ai pas d’emploi.
E : D’accord.
C : Hum.
E : Et ehm les jeunes camerounais sont souvent sans
emplois après leurs études ? C’est un, c’est un phénomène social
alors ?
C : Ehm oui, oui il y a longtemps que j’observe cette
continuité au Cameroun. Ici c’est très compliqué. Il y a plein de jeunes comme
moi, qui finissent les études avec des masters deux, des maîtrises … des
licences (*inaudible*) et qui n’arrivent pas à avoir un emploi. Et quand il
trouvent un emploi, c’est pas un emploi -c’est pas un emploi qui est énuméré à
la hauteur de ce qu’ils ont étudié quoi.
E : D’accord.
C : J’ai des amis avec le même niveau scolaire comme…Par
exemple, qui sont, qui travaillent dans des restaurants comme serveurs et qui
ne sont pas bien payés.
E : Hum, hum.
C : Ils font des travaux qui n’ont rien à voir avec leurs
domaines, les domaines dans lesquelles ils ont fait leurs études.
E : Et selon toi…
C : Et, et plein font des activités eh informelles, c’est-à-dire
le commerce à titre personnel ; ils ouvrent des boutiques au marché, des
ventes à l’emporter, ils font des call-boxes, des call-boxes c’est des endroits
où on va pour le crédit, le crédit de téléphone. Ils font la coiffure, ils
vendent des habits bref des petites activités qui n’ont rien à voir… avec eh ce
qu’ils ont étudié quoi.
E : Hum. Ok. Selon toi quel est le problème là-derrière ?
Il n’y a pas d’boulots pour eux effectivement ?
C : Eh, bon, je pense que le problème est, eh, vient du
fait… c’est… il faudrait commencer par les autorités. Bon, le problème vient de
très haut d’abord. Parce que…Il n’y pas…Eh c’est un peu bloqué quoi. Parfois
quand des gens arrivent avec leurs projets - des projets demandés aux entreprises
et tout le reste ; ils ne sont pas encouragés et aussi il y a des gens qui
ont des emplois dans le gouvernement qui truquent leur âge, ce qui fait que,
quand ils devraient aller à la retraite, ils ne vont pas à la retraite.
E : Hum.
C : Ça empêche ceux qui viennent derrière d’avoir des
emplois. Certains qui travaillent déjà… ils font du favoritisme.
E : Hum.
C : (*inaudible*) C’est pas la personne qui le méritait,
mais ils prennent ceux avec qu’ils ont des affinités.
E : Ouais.
C : Ça
veut dire que toi qui ne connais personne dans une entreprise… tu es un peu… un
peu pénalisé quoi. Et en même temps quand tu vas vers une entreprise pour y
déposer une demande d’emploi… on ne sait même pas s’ils prennent le temps pour,
pour lire ton dossier. Parce qu’ils ont déjà leurs gens, leurs affinités, leur
famille qu’ils favorisent en premier quoi.
E : Ah ok, je comprends. Alors le problème de
favoritisme, n’est-il pas en premier lieu un problème politique ? C’est-à-dire,
si on se révoltait... eh, au niveau politique, on pourrait améliorer la
situation de jeunes.
C : Bon ! Ehh pas de révoltes politiques. C’est vrai
que c’est possible, mais c’est assez compliqué hein. Parce que c’est vrai qu’il
y a la liberté d’esprit dans mon pays… on ne se soulève pas comme ça hein,
personne peut dire comme ça, on va faire de révolte. Sinon, maintenant, le gouvernement
fait quand même, met quand même des activités en place pour aider les jeunes
comme le fond nationale d’emploi et les, les alliances de soutien pour les
micro-projets. Donc parfois, quand tu as un bon projet, on peut t’aider à le
financer. Bref, il y a des petits eh, des petits trucs comme ça pour aider la
jeunesse quoi.
E : Hum.
C : Mais on les encourage plutôt d’aller dans l’entreprenariat
qu’à chercher d’avoir un emploi dans le gouvernement. Ce qui signifie, pas de
révolte politique- ce serait un peu… Bref c’est pas. Je pense que c’est pas
indiqué quoi.
E : D’accord. Et selon toi les jeunes ne s’intéressent
pas à la politique ? Ils intéressent plus à gagner de l’argent, quoi.
C : Oui, ils font quelque chose, parce que en même temps,
il y a une famille à assumer, il faut, il y a des charges qu’il faut assumer
pour chercher à avoir de l’argent.
E : Ouais.
C : Il faut de la formation professionnelle, pour aller
dans le monde de l’emploi. Parce que c’est pas tout le monde qui peut
travailler pour l’état.
E : Ouais, c’est clair.
C : Hum
E : Et alors ils ne s’engagent pas politiquement ?
C : Eh non. Ils ne s’engagent pas politiquement, parce
que ceux qui sont déjà engagés politiquement ce sont des gens qui, eh qui, comment
dire ; ils sont là depuis longtemps, ce sont des gens âgés, il n’y a pas
beaucoup d’ jeunes qui s’engagent dans la politique, parce que les gens qui
sont là vont pas se désengager. Bref, c’est ce que je peux dire.
E : Hum, je vois.
C : Et les personnages engagés dans la politique sont là
depuis presque cinquante ans. Bref.
E : Ouais, ouais ok. Bon, une dernière question si tu
veux. Quels sont tes projets pour le futur et qu’est-ce que tu souhaites pour
le Cameroun ? Dans quelle direction devrait aller le pays ?
C : Hum, moi mes projets futurs. Moi je pointe à être
entrepreneuse, entreprendre des choses, être une femme entrepreneur, avoir un
business à moi, et ne pas dépendre, ne pas travailler pour quelqu’un et
dépendre de lui, ne pas suivre son emploi du temps bref, pouvoir me soutenir
moi-même ; employer des gens. Ça c’est mon but à moi, quoi. Et puis, je
souhaite aussi que la situation des jeunes puisse changer, qu’ils puissent
avoir… qu’on puisse encourager la jeunesse, avec leurs projets, qu’ils puissent
avoir plus de, comment dire, avoir plus d’initiative. Afin d’aider les jeunes à
avoir des financements pour leurs projets. Vient du fait que la jeunesse, eh les
jeunes sont souvent au chômage, quoi. Le taux de chômage se voit, se met plus à
la baisse et puis je souhaite pour mon pays que les problèmes qu’il a au nord
puissent finir afin qu’on ait la paix comme avant. Bon, C’est un peu ça. Et je
veux que mon Cameroun soit émergent puis eh, qu’il connaisse la paix. Voilà.
E : D’accord. Merci beaucoup pour cette conclusion. Merci
Christelle d’avoir pris ton temps pour nous parler de ton pays, c’était très
intéressant.
C : Merci, il y a pas de quoi.
Justification
La distance géographique n’a
pas permis de vraiment rencontrer Christelle pour réaliser cette interview.
Pour cette raison j’ai choisi l’application Skype pour communiquer avec elle.
Ce n’était pas un échange professionnel, mais un échange culturel, parce que
Christelle vit au Cameroun, donc elle a des choses à dire que les Européens
ignorent. Cela nous permet d’élargir notre perspective et d’aller plus loin
dans nos réflexions sur ce qui est vraiment important dans la vie ou ce qui sont
nos problèmes sociaux comparés à ceux des pays du sud. Et, en plus, ces appels
me permettent de rester en contact avec l’Afrique qui est un continent qui
m’attire et me fascine beaucoup.
Recherches et explications
Cette interview veut vraiment
relever la réalité sociale de la jeunesse au Cameroun. Le problème primaire,
évoqué par Christelle est que beaucoup de jeunes font des études et les
terminent avec des licences et des diplômes mais ne trouvent pas d’emploi à la
hauteur de leurs études. Alors les chômeurs sont des académiciens qui sont
contraints de gagner de l’argent dans le secteur informel dans lequel ils font
preuve d’une grande créativité pour soutenir leurs familles. Dans un deuxième
temps, elle soulève le favoritisme dans la société qui est la raison pour
laquelle les jeunes ne sont pas embauchés dans les entreprises. En même temps, il
est quasiment impossible de trouver un poste payé par l’État, si on ne connaît
pas les responsables ou n’appartient pas à la famille ou même à la tribu des
puissants. Combattre cette situation à travers un engagement politique est
aussi inutile que dangereux, parce que les messieurs au pouvoir dirigent le
pays depuis longtemps et ne vont pas laisser leurs postes à une génération plus
jeune. Dans sa dernière réponse elle mentionne « les problèmes au
nord » du Cameroun. Nous en avions effectivement parlé dans une séquence
de l’interview que je n’ai pas transcrite ; elle fait allusion à la menace
de Boko Haram, qui a récemment pris plusieurs personnes en otage au nord du
Cameroun. Ainsi, une jeunesse qui est plongée dans l’insécurité à différents
niveaux, mais une jeunesse qui garde la foi malgré les difficultés.
En conclusion on pourrait dire
que ces réalités compliquées ne sont à surmonter qu’à travers la créativité,
l’espoir et la solidarité mutuelle entre les jeunes.
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