vendredi 4 décembre 2015



6-RENCONTRER


Exposé
 
Lors de mon séjour au Cameroun en 2013, j’ai rencontré Christelle dans un projet organisé par l’ONG (« Nouvelle Planète »). Nous étions douze jeunes suisses et sept jeunes camerounais à soutenir les ouvriers dans la rénovation d’une école, notamment les salles de classes et les toilettes. Notre groupe a collecté de l’argent à travers des levées de fonds et des actions qui généraient des dons privés en Suisse, pour finalement aller au Cameroun et pouvoir passer trois semaines à Belo, dans la région d’Acha, à l’est du pays. Là-bas nous avons travaillé, mangé et fêté ensemble. Les trois semaines se sont écoulées rapidement, et c’était une expérience magnifique. J’ai gardé le contact avec Christelle à travers des emails et des appels sur Skype. Alors je lui ai parlé de mes cours de ce semestre à l’Université et elle était motivée à répondre à quelques questions au cours d’une interview. Pour cela on a fixé une date et une heure précise. C’était un vendredi matin à 10 heures lorsque j’ai appelé Christelle à Yaoundé. 

Emmanuel : Bonjour Christelle, comment vas-tu ?
Christelle : Bonjour Emmanuel, je vais bien merci.
: Très bien, très bien. Ehm-est-ce que tu pourrais donner une petite présentation de ta famille et de toi à nos auditeurs ?
: Ehh-Je suis Christelle. Christelle K. J’ai 24 ans. Et puis, j’ai fait des études en gestion de projets. J’suis la dernière d’une famille de sept enfants et mes parents, ils sont déjà à la retraite. Ma maman, elle était enseignante à l’école primaire et mon papa, il était … travaillait à la police. Mes frères et sœurs ; nous sommes sept enfants, mes frères et sœurs. Ils travaillent hum d’autres travaillent hors du Cameroun d’autres travaillent au Cameroun. Et puis je j’habite à Yaoundé, c’est la capitale du Cameroun. Donc et je vis ici avec mon frère et avec mes deux sœurs. Voilà.
E : Parfait, parfait. Eh donc tes loisirs un peu. T’as dit que tu vis à Yaoundé- j’imagine qu’il y a plein de choses à faire pour les jeunes camerounaises et camerounais.
C : Ouais ; hum j’ai pas beaucoup ehm je sors pas beaucoup. La plupart du temps- mes loisirs c’est la lecture sur internet, je fais un blog et ehm la plupart du temps comme les jeunes ici ont beaucoup whattsapp déjà- les applications téléphoniques sont utilisées pour échanger.
E : Hum
C : Et pour les sorties, de temps en temps je vais au marché. Ouais, bon c’est un peu ce que fais parce que je n’ai pas d’emploi.
E : D’accord.
C : Hum.
E : Et ehm les jeunes camerounais sont souvent sans emplois après leurs études ? C’est un, c’est un phénomène social alors ?
C : Ehm oui, oui il y a longtemps que j’observe cette continuité au Cameroun. Ici c’est très compliqué. Il y a plein de jeunes comme moi, qui finissent les études avec des masters deux, des maîtrises … des licences (*inaudible*) et qui n’arrivent pas à avoir un emploi. Et quand il trouvent un emploi, c’est pas un emploi -c’est pas un emploi qui est énuméré à la hauteur de ce qu’ils ont étudié quoi.
E : D’accord.
C : J’ai des amis avec le même niveau scolaire comme…Par exemple, qui sont, qui travaillent dans des restaurants comme serveurs et qui ne sont pas bien payés.
E : Hum, hum.
C : Ils font des travaux qui n’ont rien à voir avec leurs domaines, les domaines dans lesquelles ils ont fait leurs études.
E : Et selon toi…
C : Et, et plein font des activités eh informelles, c’est-à-dire le commerce à titre personnel ; ils ouvrent des boutiques au marché, des ventes à l’emporter, ils font des call-boxes, des call-boxes c’est des endroits où on va pour le crédit, le crédit de téléphone. Ils font la coiffure, ils vendent des habits bref des petites activités qui n’ont rien à voir… avec eh ce qu’ils ont étudié quoi.
E : Hum. Ok. Selon toi quel est le problème là-derrière ? Il n’y a pas d’boulots pour eux effectivement ?
C : Eh, bon, je pense que le problème est, eh, vient du fait… c’est… il faudrait commencer par les autorités. Bon, le problème vient de très haut d’abord. Parce que…Il n’y pas…Eh c’est un peu bloqué quoi. Parfois quand des gens arrivent avec leurs projets - des projets demandés aux entreprises et tout le reste ; ils ne sont pas encouragés et aussi il y a des gens qui ont des emplois dans le gouvernement qui truquent leur âge, ce qui fait que, quand ils devraient aller à la retraite, ils ne vont pas à la retraite.
E : Hum.
C : Ça empêche ceux qui viennent derrière d’avoir des emplois. Certains qui travaillent déjà… ils font du favoritisme.
E : Hum.
C : (*inaudible*) C’est pas la personne qui le méritait, mais ils prennent ceux avec qu’ils ont des affinités.
E : Ouais.
C : Ça veut dire que toi qui ne connais personne dans une entreprise… tu es un peu… un peu pénalisé quoi. Et en même temps quand tu vas vers une entreprise pour y déposer une demande d’emploi… on ne sait même pas s’ils prennent le temps pour, pour lire ton dossier. Parce qu’ils ont déjà leurs gens, leurs affinités, leur famille qu’ils favorisent en premier quoi.
E : Ah ok, je comprends. Alors le problème de favoritisme, n’est-il pas en premier lieu un problème politique ? C’est-à-dire, si on se révoltait... eh, au niveau politique, on pourrait améliorer la situation de jeunes.
C : Bon ! Ehh pas de révoltes politiques. C’est vrai que c’est possible, mais c’est assez compliqué hein. Parce que c’est vrai qu’il y a la liberté d’esprit dans mon pays… on ne se soulève pas comme ça hein, personne peut dire comme ça, on va faire de révolte. Sinon, maintenant, le gouvernement fait quand même, met quand même des activités en place pour aider les jeunes comme le fond nationale d’emploi et les, les alliances de soutien pour les micro-projets. Donc parfois, quand tu as un bon projet, on peut t’aider à le financer. Bref, il y a des petits eh, des petits trucs comme ça pour aider la jeunesse quoi.
: Hum.
C : Mais on les encourage plutôt d’aller dans l’entreprenariat qu’à chercher d’avoir un emploi dans le gouvernement. Ce qui signifie, pas de révolte politique- ce serait un peu… Bref c’est pas. Je pense que c’est pas indiqué quoi.
E : D’accord. Et selon toi les jeunes ne s’intéressent pas à la politique ? Ils intéressent plus à gagner de l’argent, quoi.
C : Oui, ils font quelque chose, parce que en même temps, il y a une famille à assumer, il faut, il y a des charges qu’il faut assumer pour chercher à avoir de l’argent.
E : Ouais.
C : Il faut de la formation professionnelle, pour aller dans le monde de l’emploi. Parce que c’est pas tout le monde qui peut travailler pour l’état.
E : Ouais, c’est clair.
C : Hum
E : Et alors ils ne s’engagent pas politiquement ?
C : Eh non. Ils ne s’engagent pas politiquement, parce que ceux qui sont déjà engagés politiquement ce sont des gens qui, eh qui, comment dire ; ils sont là depuis longtemps, ce sont des gens âgés, il n’y a pas beaucoup d’ jeunes qui s’engagent dans la politique, parce que les gens qui sont là vont pas se désengager. Bref, c’est ce que je peux dire.
E : Hum, je vois.
C : Et les personnages engagés dans la politique sont là depuis presque cinquante ans. Bref.
E : Ouais, ouais ok. Bon, une dernière question si tu veux. Quels sont tes projets pour le futur et qu’est-ce que tu souhaites pour le Cameroun ? Dans quelle direction devrait aller le pays ?
C : Hum, moi mes projets futurs. Moi je pointe à être entrepreneuse, entreprendre des choses, être une femme entrepreneur, avoir un business à moi, et ne pas dépendre, ne pas travailler pour quelqu’un et dépendre de lui, ne pas suivre son emploi du temps bref, pouvoir me soutenir moi-même ; employer des gens. Ça c’est mon but à moi, quoi. Et puis, je souhaite aussi que la situation des jeunes puisse changer, qu’ils puissent avoir… qu’on puisse encourager la jeunesse, avec leurs projets, qu’ils puissent avoir plus de, comment dire, avoir plus d’initiative. Afin d’aider les jeunes à avoir des financements pour leurs projets. Vient du fait que la jeunesse, eh les jeunes sont souvent au chômage, quoi. Le taux de chômage se voit, se met plus à la baisse et puis je souhaite pour mon pays que les problèmes qu’il a au nord puissent finir afin qu’on ait la paix comme avant. Bon, C’est un peu ça. Et je veux que mon Cameroun soit émergent puis eh, qu’il connaisse la paix. Voilà.
E : D’accord. Merci beaucoup pour cette conclusion. Merci Christelle d’avoir pris ton temps pour nous parler de ton pays, c’était très intéressant.
C : Merci, il y a pas de quoi.

Justification

La distance géographique n’a pas permis de vraiment rencontrer Christelle pour réaliser cette interview. Pour cette raison j’ai choisi l’application Skype pour communiquer avec elle. Ce n’était pas un échange professionnel, mais un échange culturel, parce que Christelle vit au Cameroun, donc elle a des choses à dire que les Européens ignorent. Cela nous permet d’élargir notre perspective et d’aller plus loin dans nos réflexions sur ce qui est vraiment important dans la vie ou ce qui sont nos problèmes sociaux comparés à ceux des pays du sud. Et, en plus, ces appels me permettent de rester en contact avec l’Afrique qui est un continent qui m’attire et me fascine beaucoup.

Recherches et explications

Cette interview veut vraiment relever la réalité sociale de la jeunesse au Cameroun. Le problème primaire, évoqué par Christelle est que beaucoup de jeunes font des études et les terminent avec des licences et des diplômes mais ne trouvent pas d’emploi à la hauteur de leurs études. Alors les chômeurs sont des académiciens qui sont contraints de gagner de l’argent dans le secteur informel dans lequel ils font preuve d’une grande créativité pour soutenir leurs familles. Dans un deuxième temps, elle soulève le favoritisme dans la société qui est la raison pour laquelle les jeunes ne sont pas embauchés dans les entreprises. En même temps, il est quasiment impossible de trouver un poste payé par l’État, si on ne connaît pas les responsables ou n’appartient pas à la famille ou même à la tribu des puissants. Combattre cette situation à travers un engagement politique est aussi inutile que dangereux, parce que les messieurs au pouvoir dirigent le pays depuis longtemps et ne vont pas laisser leurs postes à une génération plus jeune. Dans sa dernière réponse elle mentionne « les problèmes au nord » du Cameroun. Nous en avions effectivement parlé dans une séquence de l’interview que je n’ai pas transcrite ; elle fait allusion à la menace de Boko Haram, qui a récemment pris plusieurs personnes en otage au nord du Cameroun. Ainsi, une jeunesse qui est plongée dans l’insécurité à différents niveaux, mais une jeunesse qui garde la foi malgré les difficultés.
En conclusion on pourrait dire que ces réalités compliquées ne sont à surmonter qu’à travers la créativité, l’espoir et la solidarité mutuelle entre les jeunes.

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