mercredi 9 décembre 2015




2-LIRE

Pourquoi ces chapitres sont-ils importants ? Premièrement, ils sont importants parce que les jumeaux racontent comment ils ont appris « la langue étrangère ». Deuxièmement, pour la première fois de leur vie chez la grand-mère apparaissent des personnages qui estiment les deux enfants et s’intéressent à eux. Mais cette affection de l’officier pour les jumeaux est rapidement ternie dans le chapitre suivant : la scène de la flagellation et l’épisode qui met en scène l’ondinisme. Aux événements s’ajoutent des côtés négatifs ; notamment ces pulsions sexuelles de l’officier et le fait que les jumeaux sont impliqués dans ces circonstances. Cette construction fait que le lecteur hésite entre la pitié et le dégoût que lui inspire le comportement des jumeaux. Le récit ne prend pas de position sur la question concernant le bien et le mal. Il est au lecteur de penser le récit ce qui rend chaque chapitre important comme les petits pierres dans une chaîne.
L’officier étranger
Pendant leur exercice d’immobilité, l’ordonnance appelle les garçons, mais ils ne répondent pas. L’officier étranger les admire. Il leur pose quelques questions sur leurs exercices et l’ordonnance traduit pour que les garçons puissent y répondre. Après ces questions, l’officier demande à l’ordonnance de s’éloigner. Avec son conseil d’aller se promener dans la ville, l’ordonnance essaie encore d’avertir les garçons. Car il craint que l’officier puisse les maltraiter. Mais les jumeaux restent immobiles. L’officier les tripote, les berce et les touche, ensuite il leur donne deux cravaches et leur ordonne de le fouetter ce qu’ils font sans hésiter jusqu’à ce que l’officier soit noyé de sang.
La langue étrangère
Les garçons apprennent la langue de l’officier à l’aide d’un dictionnaire et grâce au soutien de l’ordonnance. Après peu de temps, ils maîtrisent la langue étrangère. En récompense l’officier leur donne un harmonica et une clé pour sa chambre privée. Ils y sont souvent pour travailler, écouter de la musique et pour se reposer. L’ordonnance a peur que l’officier les y découvre un jour dans le lit de l’officier. Et cela arrive. Mais l’officier les laisse rester dans son lit et dort entre eux. Le matin il les prie d’uriner sur son visage, ce qu’ils consentent à faire.
L’ami de l’officier
Parfois l’officier rentre avec son ami qui reste pour la nuit. Les deux boivent, discutent et se disputent. L’ami n’aime pas les garçons et il est jaloux de la proximité entre l’officier et eux. Pendant la soirée, l’officier provoque son ami en le rendant encore plus jaloux. Ensuite, la scène dégénère quand ils se visent réciproquement avec le revolver déchargé. Les garçons descendent pour offrir d’exécuter l’officier s’il le désire ce qu’il refuse. Dans la nuit l’officier et l’ami ont des rapports sexuels ce qui réveille les garçons.
Analyses
Agota Kristof réussit à donner une voix aux jumeaux qu’elle forge dans une langue à la syntaxe simple, faite entièrement de brèves phrases coordonnées.
Cette logique est maintenue dans tous les chapitres ce qui crée une énorme vitesse narratologique. Il y beaucoup de scènes avec des dialogues où le temps du récit et le temps de l’histoire sont congruents. Ensuite il faut mentionner que d’un côté les descriptions ralentissent le récit, mais les ellipses accélèrent cette vitesse narratologique encore davantage. Cela crée un effet particulier qui contribue à cette aventure de lecture unique. En même temps le narrateur s’exprime à travers le ‘nous’ des deux jumeaux, ce qui renforce la situation narrative encore davantage. Ce ‘nous’ d’une communauté fraternelle est une instance narrative très particulière : pour des entrées aux journaux intimes le lecteur s’attendrait à un ‘je’, une focalisation strictement interne, mais le ‘nous’ y ajoute un côté externe, car les descriptions sont faites comme avec une caméra. Dans la suite le lecteur se sent stimulé par ces deux voix transportées à travers ce ‘nous’ infantile.
Ce qui est frappant, c’est que la vraie autorité, dans ces trois chapitres ce sont l’ordonnance et l’officier. Mais cette monstrueuse froideur et la discipline des jumeaux renversent cette hiérarchie. Ce renversement est réalisé tant au niveau du contenu qu’au niveau structurel, parce que les jumeaux sont les narrateurs incontestés. Leurs voix, leurs pensées sont communiquées à travers un locuteur, bien que le lecteur sache qu’ils sont deux. Ils font preuve d’une unanimité exceptionnelle. En outre l’auteur construit un officier aux pulsions sexuelles bizarres. Une fois de plus, l’autorité est rendue ridicule à travers cette constellation.

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